23 juin. Nous sommes au Myanmar depuis maintenant plus de trois semaines. En règle générale, un visa est valide trois mois à compter de sa date d’émission, pour une durée de séjour totale de 28 jours. Le visa de David était sur le point d’expirer, tandis que le mien courait jusqu’à la fin de la semaine. D’ordinaire, ce n’est pas un gros problème : il suffit de payer un droit de 3 $ par jour pour faire durer son visa. Seulement, comme nous devons présenter nos passeports aux agents de la sécurité chaque fois que nous nous rendons dans les divers ministères, nos papiers doivent être en règle. Nous devions donc renouveler nos visas. Nous aurions pu le faire à Rangoun, mais un homme d’affaires coréen dément venait de poignarder son épouse dans l’un des plus grands hôtels de la ville lors du week-end. Elle décéda et il fut arrêté puis extradé. La vieille défiance envers les étrangers venait de reprendre du poil de la bête et nous fûmes contraints de quitter le pays pour renouveler nos visas. L’option la plus proche était l’ambassade du Myanmar à Bangkok. Nous embarquâmes donc à bord d’un avion pour la Thaïlande le mardi.
En mai 2012, juste avant notre départ, Wargaming avait engagé deux réalisateurs chevronnés qui venaient de quitter National Geographic pour fonder leur propre société, Room608. En 2007-2008, j’avais travaillé sur un projet spécial pour National Geographic pendant quelques mois et je les connaissais de réputation. Ils attendaient le feu vert pour rallier le Myanmar. Je finis par le donner juste avant notre deuxième voyage pour Naypyidaw, alors que nous pensions encore obtenir l’autorisation de lancer les fouilles. Rétrospectivement, c’était la bonne décision car il était important de fixer sur la pellicule cette course contre nos concurrents, nos efforts dans les méandres de la bureaucratie et les nombreux défis que posait notre aventure au Myanmar. Le film était lancé et l’équipe de tournage devait être présente au Myanmar. Puisqu’un transit via Bangkok s’imposait à tout le monde, nous y prîmes rendez-vous pour le 24 juin. Ce qui devait être une nuit à Bangkok se transforma en quatre.
Le film doit se tourner avec une caméra de qualité cinématique Red Epic HD, qui produit de sublimes images grâce à son capteur 4K (pour une résolution de 4 096 x 2 160, quatre fois un écran de 1080p). Pour conserver toutes ces données, nous avions emporté un étui en acier Pelican, rempli de disques durs de plusieurs téraoctets pour sauvegarder les prises de vues. Malheureusement, notre Red Epic de secours nous lâcha lors de tests effectués à Bangkok. Il n’était pas question de s’envoler vers Rangoun avec une seule caméra opérationnelle et nous dûmes en faire venir une par courrier de notre service Équipement de Californie, accompagnée d’un coursier (Oksana) pour garantir une livraison sécurisée. Nous fîmes quelques prises de vues de David et attendîmes. Bangkok n’est pas le pire endroit au monde quand on doit prendre son mal en patience quelques jours, et le merveilleux hôtel Shangri-La encore moins. Nous récupérâmes nos visas le 26 juin, la caméra de secours le 27, et fûmes de retour à Rangoun le 28. Nous avions 27 malles de matériel, sans compter nos bagages personnels, ce qui est assez considérable pour des « touristes ». Heureusement, tous nos papiers étaient en règle et le passage en douane fut une formalité.
Nous nous rendîmes directement à Naypyidaw, pour notre troisième séjour dans la capitale, où nous espérions rencontrer un des principaux ministres le 29 juin. Malheureusement, ce dernier n’était pas disponible. Nous pûmes cependant rencontrer un autre responsable, qui nous conseilla sur la façon de faire avancer notre projet. Le 30 juin, nous nous entassâmes dans les camionnettes pour le retour sur Rangoun. Nous fîmes une halte pour tourner quelques scènes de vie rurale en chemin, dont celles d’un paysan labourant derrière ses bœufs et d’une jeune fille versant de l’eau sur un buffle domestique qui se vautrait dans une marre. Les jours suivants, nous tournâmes de petits courts-métrages du marché de Theingyi, des navettes fluviales sur la rivière Yangon et de la pagode de Shwedagon, et dûmes subir les douches de la mousson plus d’une fois !
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